Comment la théorie des jeux a conquis la France

Antoine Houlou-Garcia



La science est un jeu - La théorie des jeux dans la France des années 1950

Tarik Tazdaït
Classiques Garnier
2023
298 pages
35 €

Il existe une doxa qui énonce que la théorie des jeux n’est arrivée en France qu’à la fin des années 1970. Dans cet ouvrage richement documenté, Tarik Tazdaït montre que, si elle s’est effectivement installée en France à ce moment-là, elle était déjà présente depuis les années 1950 : certes pas encore dominante ni communément acceptée, mais néanmoins bien là.

Lorsque le mathématicien et économiste Oskar Morgenstern présente pour la première fois à Paris en 1947 son ouvrage fondateur Theory of Games and Economic Behavior (qu’il signe avec le mathématicien John von Neumann aux Princeton University Press en 1944), personne n’en a encore connaissance. Ce voyage quelque peu décevant pour l’auteur a néanmoins un impact décisif : intéresser au sujet un certain Georges-Théodule Guilbaud (1912‒2008), un personnage central dans l’histoire du lien entre mathématiques et sciences sociales.

L’intention de Guilbaud est de sensibiliser les économistes aux mathématiques et notamment à la théorie des jeux, ce qui est un vœu très moderne pour l’époque. Rapidement, quelques adhésions à cette volonté de rapprochement se manifestent, en particulier parmi des chercheurs ni mathématiciens ni économistes mais ayant comme point commun le structuralisme : Claude Lévi-Strauss et Jacques Lacan. Leurs travaux très audacieux et leur immense aura ont donné à la théorie des jeux une audience qui a préparé le terrain à son adoption au cours des années 1970.

L’ouvrage de Tazdaït est une mine d’informations sur l’histoire de l’enseignement des mathématiques et de l’économie, et sur ces quelques figures qui ont rapidement perçu l’intérêt de la théorie des jeux.



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